Biographie de Charles Devimeux
par Christian Boyer, mars 2006

 Charles Devimeux (Brest 1919 - Lestrevet Plomodiern 2000)
Photo (cliquer pour l'agrandir) prise par Hervé Champollion en 1990

Les 50 premières années de la vie du polytechnicien Charles Devimeux, ainsi que son caractère, sont brossés dans un discours prononcé en 1969 pour sa Légion d'Honneur. Ce discours fait par son ami Mario Solima, de la société Thomson, est intégralement repris plus loin dans cette page.

Puis Charles Devimeux continue toujours à travailler pour Thomson, au sein de la direction générale recherche. Il prend sa retraite en 1981 et se consacre alors essentiellement aux carrés magiques et multimagiques. Ses travaux sont cités dans La Jaune et La Rouge (la revue des anciens élèves de Polytechnique) en 1983 et 1984, ainsi que dans Pour La Science en 1985. Au cours de sa retraite, il continue à faire du piano et à se passionner pour les romans policiers et pour les séries TV policières. Il fait partie d'une association de chemins de fer en Auvergne. Il habite en région parisienne, et fait des séjours réguliers dans sa terre natale, la Bretagne, où il décède en mars 2000.

Charles Devimeux en 1981, lors de son départ à la retraite de Thomson-CSF
Photo (cliquer pour l'agrandir) Service Audiovisuel Thomson-CSF, Roger Violet, n°C7248-30A-31.

Charles Devimeux a été marié deux fois :

• Sa première femme est la pianiste Henriette Faure, sœur ainée du président de l'Assemblée Nationale (et plusieurs fois ministre) Edgar Faure. Henriette avait été la première pianiste à donner un récital de l'œuvre intégrale de piano de Maurice Ravel : c'était le 18 janvier 1923 au Théâtre des Champs-Elysées, et elle avait seulement 17 ans ! Elle avait travaillé quotidiennement avec Maurice Ravel pour préparer ce concert. Charles Devimeux, qui a aussi des bonnes compétences en piano, est l'impresario de sa femme pour les concerts. Elle décède en 1985.
• Sa seconde femme est Annick Théo-Petit qu'il épouse en 1987. Les vies des deux épouses s'étaient déjà croisées. Annick avait travaillé pour Edgar Faure, le frère d'Henriette. Et Annick, qui avait démarré une maison d'édition, les Editions ATP, avait édité en 1978 le livre Mon Maître Maurice Ravel écrit par... Henriette Faure !

Discours de remise de la Légion d'Honneur à M. Charles Devimeux
par Mario Solima, compagnie Thomson, le 21 octobre 1969

Cher Monsieur Devimeux,

Lorsque, à l'annonce de la haute distinction qui vous honore, vous m'avez choisi comme parrain, vous m'avez donné un tel gage d'amitié que je vous remercie du fond du cœur.

Mais, je vous avais prévenu et je vous le confirme, vous avez fait une mauvaise affaire car je suis un piètre laudateur. Aussi vous m'excuserez d'être bref et discret. D'ailleurs, tel que je vous connais, cela n'est probablement pas pour vous déplaire.

Pour respecter la tradition je dois d'abord retracer votre carrière.

Né à Brest en décembre 1919, vous êtes, au moins géographiquement, breton. Psychologiquement, non.

Charles Devimeux, élève de l'Ecole Polytechnique
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Ancien élève de l'Ecole Polytechnique, de la promotion 1938, et de l'Ecole Nationale Supérieure du Génie Maritime (1941-1943), vous abordez ensuite votre activité professionnelle. Trois périodes marquent celle-ci :

• De 1943 à 1949, vous appartenez au Corps du Génie Maritime, à la Direction des Constructions et Armes Navales de Brest. Directeur du centre d'apprentissage (à 24 ans), vous êtes aussi chargé de reconstruire le réseau à haute tension de l'Arsenal en tant que Chef du Service électrique.
• De 1949 à 1955, vous passez dans l'activité civile comme Directeur technique du Laboratoire Central d'Hydraulique de France, à Maisons-Alfort. Vous avez là l'occasion de diriger effectivement tous les travaux du laboratoire, sous tous leurs aspects, ce qui est une précieuse initiation pour une activité polyvalente ultérieure.
• Vient ensuite l'année 1955 où, sur les conseils de M. Lescop, ce grand ami de notre Compagnie trop tôt disparu, vous sollicitez un emploi chez nous.

Je dois, à ce point de votre histoire, évoquer un souvenir personnel.

C'est en entrant chez M. Blanchet pour je ne sais quel motif de service que je vous ai vu pour la première fois. Apprenant votre désir d'entrer chez nous, je vois ai immédiatement offert d'être mon adjoint. Je ne savais rien de vous sauf votre origine polytechnicienne, ce qui était une contre-indication notoire pour le Supélec que je suis !

De votre côté vous avez accepté sans rien savoir à mon sujet, et encore moins sur votre rôle futur. Je rends hommage à votre courage pour repartir ainsi à zéro, en faisant confiance à votre employeur et à vous-même, sans vous poser les innombrables questions qui préoccupent tant de candidats. C'est de ce jour que date notre amitié.

Repartir à zéro c'était d'abord, pour vous, vous initier non seulement à l'électronique sous toutes ses formes, mais aussi, et essentiellement, aux modes de pensée et de travail des électroniciens. Tout y a passé, depuis les calculs théoriques, où vous vous sentiez à l'aise, jusqu'à l'art et la manière de faire une soudure correcte, ce qui était beaucoup moins naturel.

Ce fut, aussi, au cours des années, l'occasion et l'obligation de vous familiariser avec presque toutes les autres activités de la Compagnie : électroménager, domaine médical, etc...

Vos activités, tout le monde les connaît. Vous avez tant circulé dans la Compagnie et vu tant de monde qu'il serait fastidieux d'en refaire le récit chronologique. Je me contenterai donc de n'en citer que deux, particulièrement marquantes :

• Comme Secrétaire permanent de la Commission de la recherche, vous avez animé (au sens de donner une âme) ces réunions périodiques, et leurs prolongements, qui ont marqué une évolution incontestable dans notre façon collective de comprendre la recherche. Vos comptes rendus de séances, auxquels vous avez tant travaillé, demeureront des modèles du genre.
• Comme Conseil des Activités médicales, puis plus précisément comme administrateur de Thomson Médical-Telco, vous avez, avec un zèle inlassable, assuré les liaisons techniques industrielles ou commerciales dans lesquelles votre compétence ou vos relations vous permettaient d'apporter un concours utile aux diverses Unités intéressées. Ce rôle a d'ailleurs été confirmé par les importantes missions syndicales qui vous ont été plus récemment confiées.

Tout cela, et bien d'autres missions, vous obligent à circuler beaucoup, à Paris et en province, dans la Compagnie et à l'extérieur.

Mais la technique ne vous suffit pas, et comme antidote vous consacrez une partie de vos loisirs à l'Art. Je ne résiste pas au plaisir de citer vos titres de Président-fondateur du Mouvement artistique Polytechnicien et de Secrétaire Général de l'Association pour le perfectionnement des jeunes pianistes virtuoses.

Et maintenant, après avoir parlé de la façade, il me reste à faire une brève incursion à l'intérieur, dans votre esprit et vos sentiments. Je sais que vous n'aimez pas cela, mais je ne saurais faillir à la tradition.

Si un observateur superficiel voulait vous juger globalement, il serait frappé par un contraste déroutant :

Bien que compétent dans plusieurs techniques de notre Compagnie, vous n'êtes dans aucune un grand spécialiste. Pas plus que vous n'êtes un commerçant ou un industriel de premier plan. En un mot pour chacune de vos tâches il existe, parmi nos si nombreux collaborateurs, de plus compétents que vous.

Et pourtant ce que vous faites est non seulement utile, et apprécié de tous, mais je puis affirmer que dans de nombreuses circonstances vous réussissez là où bien d'autres ont, ou auraient, échoué.

Ces succès, cette efficacité, vous les devez un peu à votre polyvalence, et beaucoup, pour ne pas dire essentiellement, à vos exceptionnelles qualités humaines.

L'intelligence, bien sûr, sans laquelle vous ne seriez même pas entré à Polytechnique. Le dévouement, l'activité et l'honnêteté intellectuelle aussi, sans lesquels vous n'auriez pas pu faire carrière à la Direction Générale de notre Compagnie.

Mais au-delà de toutes ces qualités qui suffisent à honorer un collaborateur de haut rang, vous jouissez d'un rayonnement humain exceptionnel. Fait de pureté d'âme et de délicatesse de cœur, il est si visible, alors que par modestie vous vous efforcez de le cacher, que tous vos interlocuteurs en sont conscients dès le premier contact.

Absolument incapable du moindre calcul ou de la moindre intrigue à votre profit, vous vivez dans le souci permanent d'éviter aux autres, à tous les autres, toute peine qui ne soit pas imposée par une nécessité de service. Souvenez-vous du mal que j'ai eu pour vous convaincre que beaucoup de nos semblables sont méchants. Il est vrai que vous avez su tout aussitôt qu'il faut les plaindre et les assister, car ils sont aussi malheureux.

Ces qualités vous valent un rare privilège : depuis quatorze ans que vous êtes envoyé, par différents directeurs et par moi-même, voir des centaines de personnes de tout âge et de tout rang, il ne s'en est jamais trouvé une seule qui ne vous ait bien accueilli et n'ait trouvé profit à l'avoir fait.

C'est ce qui vous a permis d'assurer tant de liaisons, d'établir ou de rétablir tant de ponts, non seulement entre services ou techniciens de nature et d'activité différentes, mais aussi entre individus qui, pour des motifs graves ou futiles, avaient décidé de ne plus collaborer.

Au moment où nos industries sont écartelées entre le souci de décentraliser et de cloisonner les responsabilités, et l'obligation de fusionner les techniques les plus diverses, des rôles tels que le vôtre deviennent absolument indispensables.

Continuez, cher Monsieur Devimeux. C'est le seul vœu que je forme pour vous. Vous serez ainsi assuré d'être toujours utile à la Compagnie à laquelle vous appartenez, ce qui vous autorisera à continuer, dans la modestie qui vous caractérise, à être fier de vous.

Charles Devimeux en 1969, lors de la remise de la légion d'honneur
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